Stéphane Corbin
Les Funambules
Et quand nous aurons tous aimé
Un peu plus, un peu mieux
Quand nos colères seront tombées
Si nous ne sommes pas trop vieux
On pourra chanter autre chose
On sait que tout est inutile
De petits grains de sable
On sait que nos voix sont fragiles
Et nos mots jetables
On pourra écrire autre chose
À marcher sur des fils
Combien seront tombés ?
De marques indélébiles
Et combien de blessés ?
On aura des enfants à faire
Des repères à créer
Il y aura tellement d’autres guerres
Tout un monde à repenser
On pourra rêver d’autre chose
Aussi rapides qu’un courant d’air
Les années auront passé
On aura moins de forces qu’hier
Quelques rides, des idées
On pourra construire autre chose
À marcher sur des fils
Combien seront restés ?
Combien dans les abîmes
Et combien envolés ?
Et quand nous aurons tous aimé
Qu’on rira de ce temps
Qu’on en parlera au passé
Comme d’un combat d’antan
On pourra passer à autre chose
On passera à autre chose…
Choux hiboux
Sur une montagne de choux
Un couple de plastique
Deux petits bonhommes en costume, à l’identique
Perchés comme deux hiboux
Deux joujoux de plastique
Regardent deux hommes en costume, à l’identique
Un beau jour de septembre
Après 19 années
Ils ont pu faire homologuer
Leur pluriel irrégulier
À genoux
Ils ont fait leur demande, échangé les bijoux
Eux qui se prenaient des cailloux
Quand ils étaient écoliers
Oui et oui
Fallait entendre le cri de soulagement
De leurs amis après tout ce temps
À leur chercher des poux
Enfin monter l’escalier
Pluriel irrégulier
Et le premier adjoint
N’a pas fait de long discours
Pas perdu plus de temps
Il a choisi de faire court
Sous son regard brillant
Dans un sourire pudique
A juste souhaité bienvenue
Dans la République
À genoux
Ils ont fait la demande, échangé les bijoux
Eux qui se prenaient des cailloux
Quand ils étaient écoliers
Oui et oui
Fallait voir l’amour qui volait sur ces gens
Pluie de riz dans leurs cheveux grisonnants
Comme deux enfants pleins de poux
Enfin monter l’escalier
Pluriel irrégulier
Genoux bijoux cailloux poux hiboux choux joujoux
Genoux bijoux cailloux poux hiboux choux joujoux…
Sous quel arc-en-ciel ?
Chers amis et chers amants
Quel putain de temps
Pour les cœurs candides ouverts à tous les vents
Chers compagnons, chers copains
Quel foutu destin
Interdit d’aimer de trop près son prochain
Et m’oblige à vous parler de si loin ?
Chers amis des jours passés
Si vous m’attendez
Sous quel arc-en-ciel irai-je vous retrouver ?
Quand mon heure aura sonné
Son tout dernier coup
Sous quel arc-en-ciel aurons-nous rendez-vous ?
Frères de cœur et chers copains
Quel chaos soudain
Vous a mis six pieds sous terre pour trois fois rien ?
Quatre initiales assassines
Ont signé leur crime
Et changé la donne de nos élans intimes
Transformé l’amour en un champ de mines
Histoire à mourir debout
On se fout de nous
En nous laissant croire qu’on peut guérir de tout
Chers amis et chers amants
Quel putain de temps
Pour les cœurs candides ouverts
À tous les vents
Triste anniversaire, où vous ne viendrez pas
Pour fêter la fin d’une drôle de guerre, sans armes et sans soldats
Contre un adversaire d’ombre et de chair endormi dans vos bras
Si la nostalgie de nos années-lumière s’éteint jamais
Jusqu’au dernier jour, chers amis de poussière, je garderai
Tous mes souvenirs, inconsolables et gais
Chers amis du temps passé
Si vous m’entendez
Sous quel arc-en-ciel irai-je vous retrouver ?
Sous quel arc-en-ciel irai-je vous retrouver ?
Sous quel arc-en-ciel irai-je vous retrouver ?
Le Président
J’étais président d’un très grand pays, j’étais
Important
J’étais puissant, très puissant, imposant, j’étais
Séduisant
Bla bla bla bla bla
Je parlais, et la foule, grisée, avalait
Bla bla bla bla bla
Je parlais, je parlais
J’étais un personnage tout à fait exemplaire, bon époux
Et bon père
J’étais l’homme tranquille, solide comme un roc, solide
Et viril
Bla bla bla bla bla
Je parlais, et la foule en redemandait
Bla bla bla bla bla
Je parlais, je parlais
Bla bla bla bla bla
Tant qu’il le fallait, puis le rideau tombait
La la la la la
Et le cirque cessait
Le roi était nu
La nuit était venue
Satin rose et plumes dans le cul
Le roi était nu
Et j’étais moi-même
Follement moi-même
Tant et plus
La la la la la…
Bla bla bla bla bla
Je parlais, et la foule, grisée, avalait
Bla bla bla bla bla
Je parlais, je parlais
L’écrirai-je un jour ?
En parlerai-je un jour ?
Oserai-je dire qui
Je fus ?
Le roi était nu
Et j’étais moi-même
Follement moi-même
Tant et plus
Le roi était nu
Et j’étais moi-même
Follement moi-même
Tant et plus
La la la la la…